A 10 heures, en la basilique Saint-Pierre (Rome), les cardinaux se sont retrouvés pour la messe Pro Eligendo Romano Pontifice.
Lors de cette messe, c’est le Cardinal Sodano, doyen du Collège cardinalice, qui a prononcé l’homélie, interrompue par des applaudissements pendant une longue minute lorsqu’il a évoqué le Souverain Pontife émérite Benoît XVI, en le remerciant de ses huit années de fécond service à l’Église. Le Doyen a demandé aux Cardinaux de travailler ensemble pour contribuer à l’unité de l’Eglise. Ensemble dans l’unité, la charité, « promouvoir sans cesse la justice et la paix », étaient les deux mots-clés de la prédication.
« Je chanterai toujours les bontés de l’Éternel, tel est le chant qui une fois de plus a résonné sur la tombe de l’apôtre Pierre, en cette heure importante de l’histoire de l’Église du Christ. Ce sont les mots du psaume 88, qui ont fleuri sur nos lèvres pour adorer, remercier et supplier le Père céleste. Misericordias Domini in Aeternum Cantabo est le beau texte latin, qui nous a fait entrer en contemplation de celui qui veille toujours avec amour sur son Église, en la soutenant sur son chemin à travers les siècles et en la vivifiant de l’Esprit. Aujourd’hui encore, par cette disposition intérieure, nous voulons nous offrir au Père pour le remercier de l’attention aimante qu’il a toujours réservée à son Église et en particulier pour le lumineux pontificat qu’il nous a concédé avec la vie et les œuvres du 265e Successeur de Pierre, le bien-aimé et vénéré Benoît XVI, auquel, en ce moment, nous renouvelons notre gratitude. Parallèlement nous souhaitons implorer le Seigneur, à travers la sollicitude pastorale des Cardinaux, afin que bientôt il donne un autre Bon Pasteur à l’Église. Bien sûr, la foi dans la promesse du Christ sur le caractère indéfectible de son Église nous soutient en cette heure. En effet, Jésus dit à Pierre: Tu es Pierre, et sur cette pierre je construirai mon Église, et les portes de l’Enfer ne prévaudront pas contre elle.
Les lectures de la Parole de Dieu que nous venons d’entendre peuvent nous aider à mieux comprendre la mission confiée par le Christ à Pierre et à ses successeurs. La première lecture de ce jour est un célèbre oracle messianique de la deuxième partie du livre d’Isaïe, appelée Livre de la consolation. Il s’agit d’une prophétie adressée au peuple d’Israël destiné à l’exil de Babylone. Il proclame que Dieu envoie le Messie, plein de miséricorde, un Messie qui pourra dire: L’esprit du Seigneur Dieu est sur moi … il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, pour guérir ceux qui ont le cœur brisé, pour proclamer aux captifs la liberté, la libération les prisonniers, promulguer l’année de miséricorde du Seigneur. L’accomplissement de cette prophétie a été entièrement réalisé en Jésus, venu au monde afin de rendre présent l’amour du Père pour les hommes. Cet amour se manifeste particulièrement au contact de la souffrance, de l’injustice, de la pauvreté, avec toute les fragilités de l’homme, à la fois physiques et morales. A cet égard, la célèbre encyclique de Jean-Paul II Dives in Misericordia, rappelait que la façon dont l’amour se manifeste dans le langage biblique est appelée à juste titre miséricorde. Cette mission de miséricorde a ensuite été confiée par le Christ aux pasteurs de son Église. C’est une mission qui engage tout prêtre et évêque, mais qui plus encore engage l’évêque de Rome, pasteur de l’Église universelle. Jésus dit en effet à Pierre: Simon, fils de Jean, m’aimes-tu plus que ceux-ci? Pais mes brebis. Saint Augustin commentait ainsi les paroles de Jésus: Paître le troupeau du Seigneur est donc un engagement d’amour. En réalité, c’est cet amour qui pousse les Pasteurs de l’Église à mener à bien leur mission aux service des hommes de tous les temps, du service caritatif plus immédiat, jusqu’au plus grand service, celui d’offrir aux hommes la lumière de l’Évangile et la puissance de la grâce. Benoît XVI donne une indication dans son récent message de Carême de cette année: On tend parfois à circonscrire le terme de charité à la solidarité ou à la simple aide humanitaire. Il est important, en revanche, de rappeler que la plus grande œuvre de charité est justement l’évangélisation, c’est à dire le service de la Parole. Il n’y a pas d’action plus bénéfique, et donc charitable, envers le prochain que rompre le pain de la Parole de Dieu, le faire participer de la Bonne Nouvelle, l’introduire dans la relation avec Dieu. L’évangélisation est la promotion la plus élevée et la plus complète de la personne humaine. Comme l’écrivait Paul VI dans l’encyclique Populorum Progressio, le premier et principal facteur de développement est l’annonce du Christ.
La deuxième lecture est tirée de l’épître aux Éphésiens, écrite par Paul à Rome au cours de son premier emprisonnement. Il s’agit d’une lettre sublime dans laquelle est présenté le mystère du Christ et de l’Église. Si la première partie est plus doctrinale, la seconde, où s’insère le texte que nous venons d’entendre, est sur un ton plus pastoral. Dans cette partie, Paul enseigne les conséquences pratiques de la doctrine présentée plus tôt et commence par un vibrant appel à l’unité de l’Église. Moi qui suis en prison à cause du Seigneur, je vous encourage à suivre fidèlement l’appel que vous avez reçu de Dieu. Ayez beaucoup d’humilité, de douceur et de patience, supportez-vous les uns les autres avec amour. Ayez à cœur de garder l’unité dans l’Esprit par le lien de la paix. Saint Paul explique ensuite que dans l’unité de l’Église, il existe une diversité de dons, selon la grâce multiforme du Christ, mais cette diversité est en fonction de l’édification de l’unique Corps du Christ. C’est lui qui a établi les uns comme apôtres, d’autres comme prophètes, d’autres comme évangélistes, d’autres comme pasteurs et maitres, pour rendre aptes les frères à accomplir leur ministère, en vue de l’édification de l’Église du Christ. C’est précisément pour l’unité de son Corps mystique que le Christ a envoyé son Esprit et choisi dans le même temps ses apôtres, en premier lieu desquels Pierre, qui apparait comme le fondement visible de l’unité de l’Église. Dans ce texte, Paul nous enseigne que nous devons travailler tous ensemble pour construire l’unité de l’Église, et que pour cette réalisation, la collaboration de chaque connexion, selon l’énergie propre de chaque membre est nécessaire. Nous tous, par conséquent, sommes appelés à coopérer avec le Successeur de Pierre, le fondement visible de cette unité de l’Église.
Évangile d’aujourd’hui nous ramène à la dernière Cène, quand le Seigneur dit à ses apôtres: Mon commandement est de vous aimer les uns les autres comme je vous ai aimés. Ce texte est également lié à la première lecture du prophète Isaïe sur l’action du Messie, pour nous rappeler que l’amour constitue l’attitude fondamentale des pasteurs de l’Église. C’est l’amour qui nous pousse à donner notre propre vie pour nos frères. Jésus nous dit qu’il n’est de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. L’attitude fondamentale de tout bon pasteur est donc de donner sa vie pour ses brebis. Cela est particulièrement vrai pour le Successeur de Pierre, pasteur de l’Église universelle. Parce que la charge pastorale est aussi haute et universelle que l’amour du pasteur. Pour cela, dans le cœur de chaque Successeur de Pierre, raisonnent toujours les paroles que le Maître adressa à l’humble pêcheur de Galilée: M’aimes-tu plus que ceux-ci? Pais mes agneaux, pais mes brebis. Dans le sillage de ce service d’amour pour l’Église et pour l’humanité tout entière, les derniers Papes ont été les artificiers de nombreuses initiatives, bénéfiques aussi pour les peuples et la communauté internationale, promouvant sans relâche de la justice et de la paix. Prions afin que le futur Pape poursuive cette œuvre incessante au niveau mondial. Par ailleurs, ce service de charité fait partie de la nature intime de l’Église. Benoît XVI a rappelé en disant que le service de la charité est une dimension constituante de la mission de l’Église, une expression essentielle de son être. Il s’agit d’une mission de charité propre à l’Église, et en particulier propre à l’Église de Rome, qui, selon la belle expression de saint Ignace d’Antioche, est l’Église qui préside à la charité. Prions donc pour que le Seigneur nous accorde un Pape qui exerce cette noble mission avec un cœur généreux. Nous le demandons par l’intercession de la Très Sainte Vierge Marie, Reine des Apôtres, et de tous les martyrs et les saints qui au cours des siècles ont rendu glorieuse cette Église de Rome ».
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