Prier pour les malades: au cœur de la mission de l’Église

(c) Mélanie-Jane FREY
(c) Mélanie-Jane FREY

Pendant les trois années de sa vie publique, Jésus a enseigné les foules et guéri des malades annonçant ainsi qu’il était Dieu, Fils de Dieu et Sauveur du monde. On l’oublie parfois mais aujourd’hui encore, la prière pour les malades est au cœur de la mission de l’Église. Entretien avec le père Thierry Avalle, prêtre de la communauté de l’Emmanuel  et vicaire à Saint-Nicolas des Champs (Paris) qui anime chaque jeudi soir à 18H30 la prière pour les malades dans cette église.
Pourquoi une prière pour les malades ?
Regardons Jésus au cours de sa vie publique : il enseigne, prie, guérit, libère ceux qui sont malades. Il nous invite à faire comme lui. Les raisons de cette prière sont nombreuses. La première, c’est de montrer l’amour du Père, un amour incarné. Je constate, même chez des chrétiens pratiquants guéris au cours d’une assemblée de prière, qu’une sorte de révolution s’opère dans leur tête et dans leur cœur. Ils découvrent que Dieu les aime dans leur corps, que leurs souffrances ne lui sont pas indifférentes. À travers la guérison, le Père montre un amour incarné. Cela nous invite à être incarnés dans notre manière d’aimer. Le Christ révèle le visage du Père, un père qui nous aime d’un amour très concret. De nombreuses personnes vivent de grandes épreuves et en souffrent. Depuis que j’accompagne cette prière, il m’arrive parfois d’être écrasé par ce qu’elles me confient. Le Père a de la compassion pour la souffrance des hommes et aussi pour notre enfermement dans le péché. Aussi, la deuxième raison d’être d’une prière pour les malades est que recevoir une grâce de guérison peut permettre de vivre une conversion intérieure profonde. La capacité à aimer est alors ouverte.
Comme le dit Jésus à Jean Baptiste, la guérison des malades est un des signes de la présence du Royaume : « Le Royaume de Dieu est au milieu de nous », par la présence de Jésus et par les guérisons qu’il opère. C’est aussi un signe de l’annonce de la résurrection de la chair qui est au cœur de l’annonce évangélique.
Est-ce une mission de l’Église ?
Dès le début. Ainsi, le Christ a envoyé ses apôtres guérir et évangéliser au cours de sa propre mission ; il leur a fait vivre une première expérience d’un « pouvoir » de guérison, de libération au service de l’annonce du salut, de la Bonne Nouvelle. Dans les Actes des Apôtres, on voit les disciples continuer cette œuvre de guérison à travers les figures de Pierre et de Paul. Et Paul, dans ses épîtres, parle des charismes, des dons que Dieu accorde pour la guérison.
Ceux qui prient pour les malades ont très souvent fait eux-mêmes l’expérience d’une grâce d’amour du Père pour eux. Ils ont envie de transmettre cette grâce de joie, d’ouverture du cœur.
Les papes ont toujours encouragé la prière pour les malades. À leur suite, le pape François a des gestes forts et des paroles prophétiques : « L’Église est comme un hôpital dans un champ de bataille. » Il nous encourage à être pauvre parmi les pauvres. Or la prière des malades est un lieu où l’on rejoint la grande pauvreté de l’homme, ses souffrances. On peut parfois être tenté de fuir cette pauvreté qui est lourde. Nous avons besoin des encouragements du pape à ne pas fuir cette mission, à ne pas avoir peur des signes que Dieu donne, en particulier des miracles que Dieu opère à travers l’œuvre de l’Église, même si chacun se sent d’une pauvreté abyssale devant ce type de signe.
Sur quels fondements repose cette prière ?
Nous nous appuyons sur la parole de Dieu ; les enseignements sont toujours fondés sur elle. L’idée est d’évangéliser comme le Christ. Le renouvellement de l’évangélisation ne peut passer que par une imitation de Jésus Christ, une imitation créatrice dans son amour pour les malades. Nous sommes tous invités à retrouver le sens d’une évangélisation qui s’appuie sur les gestes du Christ, sur sa manière même de rejoindre les personnes. C’est un appel à la foi et à ne pas se contenter d’une Église qui serait une exposition d’arguments rationnels pour démontrer l’amour de Dieu. La prière des malades nous oblige à poser des actes de foi, d’espérance et de charité. À travers l’expérience de cette prière, nous revivons aujourd’hui des épisodes de l’Évangile.
Comment est née cette prière pour les malades à Saint-Nicolas-des-Champs ?
Il y a une vingtaine d’années, le curé de la paroisse, le père Dominique de Chantérac, a eu le désir de prier pour les malades pendant l’Avent. Au départ, ce fut une simple prière, sans parole de connaissance.
Cette proposition a reçu un accueil inattendu. Des tracts ont été distribués au cours d’évangélisations de rue et beaucoup de monde est venu. Par la suite, cette prière a été instaurée régulièrement. Elle a connu des hauts et des bas ; différentes équipes d’animation se sont succédé. Depuis quelques années, l’assemblée ne cesse de croître.
Qui vient le jeudi soir ?
C’est difficile à dire. Des personnes de tous horizons. Dans les débuts, l’assemblée était essentiellement composée d’une population de condition modeste. Puis des personnes de l’immigration (Antillais, Africains, etc.) se sont jointes à nous. Enfin, du fait de nombreuses guérisons et des témoignages racontés de bouche-à-oreille, des personnes de milieux plus aisés sont arrivées.
Dans l’assemblée, se côtoient de nombreux catholiques mais aussi des protestants, des musulmans, des agnostiques et des personnes en recherche. Un millier de personnes viennent chaque jeudi à 18 h 30, parfois de loin, voire d’autres pays.
Selon vous, pour quelles raisons ces personnes viennent-elles ?
Les motivations sont variées. Certains viennent par curiosité. D’autres, avec le désir profond de guérison pour eux-mêmes ou pour des personnes de connaissance. D’autres encore pour faire plaisir à quelqu’un les ayant invités avec insistance. En arrivant, ils ne croyaient pas à la dimension surnaturelle de cette prière et ils découvrent l’amour de Dieu : ils sont les premiers surpris ! Ainsi, une personne malade est venue parce qu’une amie avait insisté lourdement et elle a été guérie.
Le Seigneur accueille chacun, quelle que soit la raison pour laquelle il est venu. Au cours de cette prière, il souhaite l’amener à faire un chemin de foi. Il est arrivé par exemple qu’une personne venue prier pour une autre ait reçu elle-même une guérison !
En quoi consiste la prière d’intercession ?
À former un corps. L’Église est un corps, nous formons un corps : le corps du Christ. La prière commune a plus de poids qu’une prière individuelle dans la mesure où Dieu est communion. L’intercession, c’est prier les uns pour les autres, laisser le Christ, l’Esprit Saint prier en nous, le grand priant, c’est le Christ. Ensuite, on exerce les charismes de connaissance qui ont été donnés à certains et qui ont été discernés ; on vérifie qu’il y a effectivement des guérisons dans les conditions qui ont été annoncées.
C’est une prière qui, au-delà des guérisons, ouvre à l’espérance, à la joie et la paix.
IEV Qu’est-ce qui est au cœur de cette prière ?
T.A. Rencontrer Jésus, sa présence, par l’expérience de sa Parole, de l’Eucharistie et aussi dans les autres. Au début de l’assemblée de prière, on est invité à saluer ses voisins au nom de Jésus.
C’est aussi faire l’expérience de son amour miséricordieux, un amour qui nous guérit et nous sauve de nos péchés ; cela permet d’avoir la vie éternelle.
IEV Dieu guérit-il à chaque rencontre ?
T.A. Tous les jeudis soir, il y a des guérisons ; elles peuvent être instantanées, accompagnées d’un signe physique (une chaleur) ; certaines surviennent plus tard dans la nuit ou les jours suivants. Elles peuvent être annoncées ou non par une parole de connaissance. Les modalités de guérison sont très variées.
Une maman avait accouché d’un enfant né avec une malformation cardiaque. L’enfant avait été opéré et non guéri. La maman est venue à la prière et une parole de connaissance a été donnée : « L’enfant sera guéri mais il est demandé à la maman la foi car il ne sera pas guéri tout de suite. » L’enfant a dit : « Jésus m’a fait un cadeau. » Quelques semaines après, au grand étonnement du médecin, un examen cardiaque a montré une amélioration. Pendant l’année qui a suivi, il n’y a plus eu de progrès. Un an après, la guérison est repartie et en quelques semaines, il a été entièrement guéri !
IEV Et si on n’est pas guéri ?
T.A. Certains repartent déçus. Le Seigneur peut nous demander de persévérer dans la prière. Une personne priait pendant dix ans pour une autre qui avait des pulsions suicidaires. Elle vient une fois encore, et est annoncée la guérison instantanée de celle pour qui elle priait.
Dieu peut aussi demander à certains d’offrir leur maladie et cela, pour participer au salut du monde. C’est mystérieux. Il y a aussi des guérisons spirituelles que l’on ne voit pas.
Des personnes guérissent parce qu’elles ont la foi, d’autres pour avoir la foi. C’est la souveraine liberté de Dieu qui s’exerce pour notre plus grand bien.
IEV Quels sont les fruits de cette prière pour les malades ?
T.A. Les fruits sont difficiles à mesurer, Dieu seul les connaît.
Il y a beaucoup de conversions, des demandes de baptême, des retours à l’église, des réconciliations. On demande alors aux personnes de demander le baptême dans leur paroisse. Les fruits de conversion sont considérables : la joie, la paix, l’espérance. Je rencontre chaque semaine des personnes, des gens de toutes religions qui font un chemin de conversion.
IEV Et pour vous, en tant que prêtre ?
T.A. Au niveau psychologique, c’est très lourd.
Au plan spirituel, je suis bouleversé par cette prière en voyant l’œuvre de Jésus. Ce n’est pas la mienne, c’est son œuvre. Il y a un côté un peu angoissant, un appel à la sainteté.
En tant que prêtre, j’impose souvent les mains aux personnes qui me disent que cela leur fait du bien. Le toucher dit la compassion, signifie l’amour immédiat.
IEV Et si l’on veut proposer une prière pour les malades dans sa paroisse,
comment faire ?
T.A. En premier lieu, avoir de la compassion pour ceux qui souffrent, avoir le désir de venir soulager les souffrances et le demander à Jésus. Cela requiert d’avoir la foi dans l’action du Christ. Si on lance une prière pour les malades, il faut persévérer, tenir dans la durée. Cela demande également un certain abandon, on ne sait pas ce qui va se passer. Quand on laisse carte blanche à Dieu, on peut être déstabilisé. Dieu peut nous surprendre.
Cela requiert aussi le désir que l’église s’ouvre plus largement qu’aux seuls paroissiens. Cela implique que des non chrétiens viennent dans l’église.
Il faut bien sûr que le curé soit partant et ensuite, former une équipe. ¨
Propos recueillis
par Marie Thibault

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