
Le 18 décembre 2024, le pape François a déclaré Pierre Goursat vénérable, reconnaissant qu’il avait vécu les vertus chrétiennes de manière héroïque. Mais quel est le sens de cette déclaration et que nous enseigne-t-elle ? Nous avons interrogé le père Francis Kohn postulateur de la Cause de Pierre Goursat.
Que signifie la déclaration de la vénérabilité de Pierre Goursat, annoncée le 18 décembre 2024 ?
L’Église déclare un baptisé vénérable quand elle reconnaît qu’il a exercé toutes les vertus chrétiennes de façon héroïque, c’est-à-dire à un degré “extraordinaire” : c’est ce qu’on désigne par l’expression « l’héroïcité des vertus ». C’est une étape importante dans le processus de canonisation mais ce n’est qu’une étape ! C’est une confirmation de l’Église, après tout un travail d’études et d’approfondissement de la part du postulateur (15 ans pour la cause de Pierre Goursat) mais aussi un examen approfondi par des experts théologiens et par une commission d’évêques et de cardinaux du dicastère pour la cause des saints. Cette reconnaissance du pape François signifie que ce que Pierre Goursat a été et accompli est un exemple pour toute l’Église.
Quelles vertus a-t-il spécialement vécues de façon héroïque ?
Pour la cause de canonisation de Pierre Goursat, j’ai dû expliquer comment il a exercé à un très haut degré l’ensemble des vertus : les vertus théologales (foi, espérance et charité), les vertus cardinales (prudence, justice, force et tempérance), ainsi que l’obéissance, la pauvreté, la chasteté et l’humilité. Voici ce qu’on peut dire en résumé :
Foi : Son fort attachement au Christ était lié à son amour de Dieu sur lequel il s’appuyait sans cesse. C’était une foi eucharistique, nourrie chaque jour par de longs temps de prière et la méditation de la Parole de Dieu. Pierre Goursat avait un “sens surnaturel de la foi”, un grand amour de l’Église et une fidélité au Magistère, qu’il suscitait chez les autres. Il avait une foi à “transporter les montagnes”, vive et concrète, rayonnante et encourageante, faisant preuve de constance et de persévérance dans l’adversité.
Espérance : Il avait une confiance absolue en Dieu, fruit de l’enfance spirituelle qu’il pratiquait en disciple de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus. Cela se manifestait aussi par son abandon à la Providence divine. Dans la grave crise que traversait l’Église de France, il a eu beaucoup de courage et de détermination pour avancer à contre-courant des idéologies ambiantes et maintenir le cap. Gardant les yeux fixés sur le Seigneur, il n’a jamais cédé au défaitisme et au découragement.
Charité : Pierre Goursat cherchait sans cesse à honorer et à glorifier Dieu, afin qu’il soit le premier servi. Cette priorité donnée à Dieu se manifestait par les longs temps que Pierre consacrait à la prière devant le Saint-Sacrement. Il brûlait d’amour dans l’adoration et était consumé par le feu de la charité qu’il transmettait aux autres. Pierre avait une grande bienveillance, une bonté et une délicatesse qui s’exprimaient par une charité en actes. Cette charité se caractérisait par une grande compassion pour les personnes en souffrance. Il avait un amour de prédilection pour tous les “blessés de la vie”. Il écoutait avec patience les personnes en difficulté, les réconfortait et cherchait des solutions concrètes pour leur venir en aide. Il allait visiter les malades à l’hôpital et téléphonait aux personnes dépressives pour les encourager. Cette charité, animée par son zèle pour le salut des âmes, est à l’origine du feu missionnaire qui le poussait à évangéliser tous les milieux, par différents moyens.
Prudence : Comme responsable de la Communauté de l’Emmanuel, il a fait preuve de sagesse et de prudence. Avant de prendre des décisions, il priait longuement et demandait conseil. Avant d’agir, il attendait que les situations soient propices et les personnes préparées. Pierre a exercé cette vertu sans pusillanimité, alliant l’audace à la prudence.
Il avait beaucoup de discernement, du réalisme et du bon sens, que ce soit pour le gouvernement de la Communauté ou pour conseiller ceux et celles qui, très nombreux, venaient le consulter et ont bénéficié de ce don de conseil. Il écoutait ses interlocuteurs avec bienveillance et parlait peu. Il avait à cœur d’aider chacun à répondre à sa vocation, de progresser et de donner le meilleur de lui-même.
Justice envers Dieu et le prochain : il cherchait toujours à s’ajuster à la volonté de Dieu. Dans son comportement envers les autres, il agissait avec honnêteté et loyauté, franchise et droiture.
Force : Pierre Goursat a exercé la vertu de force avec courage. Elle était d’autant plus manifeste qu’elle contrastait avec sa très grande faiblesse physique.
La ténacité et la force spirituelle, que Pierre puisait dans sa relation intense à Dieu, lui ont permis de surmonter les nombreuses épreuves et contradictions qu’il a endurées.
Tempérance : il a vécu dans une très grande sobriété, se contentant du strict nécessaire. Il était détaché des biens matériels et ne recherchait pas le confort. Il mangeait très peu, mais savait apprécier les bons plats. Il exerçait la vertu de tempérance sans austérité. Pierre avait beaucoup d’humour ; il aimait plaisanter et faire des pitreries. Tous ceux qui vivaient avec lui ou le rencontraient étaient frappés par son égalité d’humeur et sa jovialité.
Obéissance : Pierre Goursat avait un amour inconditionnel de l’Église et une obéissance sans faille à ses pasteurs. Mais il avait aussi une grande liberté intérieure qui lui permettait de mener à bien ses objectifs en demeurant fidèle aux intuitions spirituelles reçues (voir encadré).
Pauvreté : il a vécu la vertu de pauvreté d’une manière très étonnante pour un laïc. Il ne possédait presque rien, était très généreux et donnait le peu qu’il avait. Son mode de vie pauvre était l’expression de sa pauvreté de cœur.
Chasteté : il avait une grande clarté, une justesse et de la sobriété dans ses relations avec les autres. Il ne cherchait pas à s’attacher les gens, à se les approprier. Il avait la ferme volonté de former les jeunes à une justesse de rapports dans la vie affective.
Humilité : cette vertu était manifeste chez Pierre Goursat. Chez lui, l’humilité recouvre les autres vertus et leur donne un relief particulier. Il se considérait comme un « pauvre », un « petit » qui recevait tout de Dieu. Il ne se prenait pas au sérieux. En acceptant les contrariétés, les échecs et les contradictions, à l’école de la “petite” Thérèse, il a appris à devenir humble. Détaché de ce que les autres pouvaient penser de lui, Pierre avait une simplicité et une liberté intérieure désarmante. Dans l’exercice de ses différentes responsabilités, il ne s’attribuait aucune gloire, ne recherchait aucun privilège ou avantage. Discret et effacé, il ne se mettait jamais en avant, cherchant à l’inverse à mettre les autres en valeur.
Et maintenant ?
En même temps que l’héroïcité des vertus, le pape François a reconnu la réputation de sainteté et de signes de Pierre Goursat. Depuis sa mort, le 25 mars 1991, de nombreuses personnes ont témoigné qu’elles avaient reçu des guérisons physiques et des grâces très diverses en ayant recours à son intercession. En faisant ainsi, c’est toujours le Christ que nous prions. Il est important de continuer à confier nos intentions de prière au Christ, par l’intercession du vénérable Pierre Goursat, et de nous faire connaître si elles ont été exaucées (www.pierregoursat.com/contact/).
Maintenant, il va falloir choisir, parmi les dossiers que nous avons reçus, ceux qui pourraient être présentés afin que ces guérisons soient étudiées d’abord par une commission médicale dans le diocèse où le présumé miracle a eu lieu, puis par une autre, convoquée par le dicastère pour la cause des saints. Un premier miracle doit être reconnu pour sa béatification et un second miracle, pour sa canonisation. Cela concerne des situations de protection (comme des enfants à naître dont les médecins pensaient qu’ils ne pourraient pas vivre ou auraient de graves séquelles à la naissance) ou bien de guérison de maladies menant normalement à la mort, inexplicables scientifiquement par la médecine, que l’on peut attribuer au fait que des personnes ont eu recours à l’intercession du vénérable Pierre Goursat.
Ce processus peut être long avant qu’un miracle soit reconnu par l’Église.
Son nouveau statut n’aurait-il pas semblé étrange à Pierre Goursat, si humble ?
Quand on m’a demandé d’être le postulateur de la cause de canonisation de Pierre Goursat, je craignais que, par humilité, il veuille demeurer dans l’ombre et ne me facilite pas la tâche ! Je me suis adressé à lui dans la prière et j’ai eu l’impression qu’il me regardait avec bienveillance, avec son sourire malicieux, et me disait d’avancer sans crainte. J’ai compris que du ciel où il contemple Dieu face à face, il était – plus encore que durant sa vie terrestre – totalement détaché des « titres » que l’Église pourrait lui attribuer et qu’il resterait toujours le même ! Et j’ai accepté cette mission, précisément parce que tout ce que Pierre a vécu et accompli durant son existence, profondément marquée par cette attitude d’humilité, méritait d’être connu et pourrait être pour beaucoup un encouragement à suivre le Seigneur, dans la confiance et l’abandon à la Providence, et à servir l’Église dans une grande disponibilité à l’Esprit Saint.
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