Synode. Interview de Mgr Rey « La réalité musulmane doit amener les chrétiens à l’être davantage »

L’évêque de Toulon-Fréjus, père synodal nommé par le Saint Père, nous décrit ce moment-clé qui se vit en ce moment à Rome. Nous revenons également avec lui sur la question de l’Islam, qui est un défi pour l’Eglise et la nouvelle évangélisation.

A Rome. Propos recueillis par Claire Villemain, à Rome.

Quelle est votre impression générale sur ce synode ? Quelle en est l’atmosphère ?
Un synode est un moment de cénacle où l’Eglise, dans un contexte de prière et autour du Saint Père, réfléchit aux questions qui sont au cœur de sa mission. Le sujet de ce synode est très large car il concerne la nouvelle évangélisation, et tout dans l’Eglise est affaire de mission. L’Eglise est missionnaire par nature, donc le sujet a un spectre très ouvert.

Quelles ont été les principaux types d’interventions ?
On en distingue trois. Certaines ont été plus des attestations, des témoignages, des actions entreprises. D’autres des commentaires à partir de l’Instrumentum Laboris. D’autres enfin portaient sur la mission de l’Eglise avec un angle théologique.

Quels sont les profils des pays représentés ?
Il y a une très grande diversité des situations : certains Pères viennent de pays en guerre, d’autres sont très marqués par la présence de l’Islam dans leurs régions, d’autres au contraire font face à un excès de religiosité, d’autres sont confrontés à la sécularisation avec une fatigue de la foi. Pour ces derniers, occidentaux pour la plupart, on sent une inquiétude avec l’érosion de la pratique, le délitement des communautés, la séniorisation des fidèles. Il y a là une sorte de désenchantement qui correspond à la crise que le monde est en train de traverser. A la fois, la nouvelle évangélisation est un appel à l’espérance, une sorte d’appel d’air.

Pensez-vous que nous arriverons à un document qui puisse concerner l’Eglise universelle ?
Tous les Pères sont conscients que cela n’est pas affaire seulement de stratégies, mais que cela passe par des conversions personnelles, par un travail de sanctification. Tous disent que le premier à évangéliser c’est l’évangélisateur, que l’Eglise a besoin de ré-entendre la Bonne Nouvelle. On sent une forte interpellation personnelle derrière toutes les considérations sur les nouvelles formes de présence à la société, et aux jeunes en particulier. Nous sommes renvoyés à nous-mêmes, à notre relation personnelle avec le Christ.

Nous entrons aujourd’hui dans une nouvelle phase du synode, après la parution du rapport après le débat général. Vous allez travailler en petits groupes. Comment cela va-t-il se passer ?
A partir des lignes directrices, nous allons voir la manière dont cela trouve écho, comment cela peut être affiné ou approfondi. L’assemblée synodale va tenter de n’oublier personne, tout en restant suffisamment incisive sur tel ou tel sujet, et ne pas tomber dans des lieux communs. Beaucoup de gens attendent de ce synode, non pas des consignes, mais un élan, des orientations, des perspectives, un horizon.

La question de l’islam est beaucoup apparue dans les interventions lors des congrégations générales. Sentez-vous qu’il y a là un défi pour la nouvelle évangélisation ?
Dans mon diocèse, 15% de la population est musulmane. C’est une réalité sociologique et c’est pour moi une question quotidienne, qui interpelle d’ailleurs l’ensemble des communautés chrétiennes. Cette réalité doit amener les chrétiens à l’être davantage. Il est difficile de parler de l’Islam en général… Il y a un fondamentalisme religieux qui s’exprime sous des formes parfois violentes et agressives. Cela nous fait peur et nous menace. Notre société sécularisée, très portée sur la tolérance et le dialogue permanent, est peu armée par rapport à une telle affirmation, qui s’exprime parfois sous la forme de djihad. Mais il y a d’autres expressions de l’Islam, notamment sous sa dimension spirituelle portée par un certain nombre de courants. La sécularisation frappe aussi certains musulmans. Nous avons, lors de ce synode, la présentation de différents visages de l’Islam de la part de plusieurs interlocuteurs, et il serait réducteur de le regarder sous un seul angle. Cette question nous interpelle en tous cas dans notre capacité d’être nous-mêmes, de pouvoir ouvrir un dialogue avec des personnes qui ont d’autres convictions que nous, et qu’à l’intérieur de ce dialogue nous puissions énoncer une parole de Salut. Il ne faut pas se situer dans une perspective de croisade qu’on opposerait à une forme de djihad que l’on trouve chez certains musulmans radicaux.

Une meilleure gouvernance des paroisses est un thème qui revient également beaucoup. Les Pères synodaux envisagent-ils un renouveau des démarches pastorales ?
Nous sentons bien que par rapport aux nouvelles générations, on ne peut pas se situer dans les mêmes expressions pastorales qu’autrefois. Le message reste le même, mais le langage doit évoluer. Tous sont d’accord pour dire que cela doit reposer sur le primat de la grâce, sur une cohérence de vie en rapport avec l’Evangile, par le témoignage de communautés ferventes, mais aussi par des moyens, des méthodes, que l’on doit développer compte tenu de la situation d’ex-culturation du christianisme dans laquelle on se trouve. Pour cela on peut parler de « conversion pastorale », terme qui revient souvent et notamment dans l’Instrumentum Laboris, qui signifie une transformation des propositions pastorales, mais qui désigne aussi un changement de la gouvernance pastorale, des laïcs ou des pasteurs en responsabilité. Jésus lui-même, pour porter une mission universelle, s’est choisi quelques leaders – les disciples – avec qui il a vécu et qu’il a formé pour poursuivre l’œuvre qu’il avait initié. Un renouveau de la gouvernance pastorale ne se réduit pas à des règles managériales. Il s’agit de développer une nouvelle vision, des nouvelles formes de collaboration et de coresponsabilité avec les laïcs, mais encore de mettre en œuvre de nouvelles procédures en plaçant la première annonce à la pointe de notre pastorale ordinaire.

Cela doit-il passer par une remise en place de petites communautés de base, comme certains l’évoquent ?
Quand on lit le magistère, on voit que Redemptoris Missio parle de communautés ecclésiales de base. A côté de la communauté sacramentellement constituée, nous avons besoin de nous retrouver de manière un peu plus spontanée, libre, en accueillant le tout-venant qui ne se retrouverait pas dans une célébration eucharistique. Ce sont comme des satellites autour de la communauté rassemblée autour de l’eucharistie, et c’est ce que l’on voit avec des fraternités, des maisonnées, des cénacles, des cellules, des ecclesiolae. Nous avons effectivement besoin de ces lieux d’expression plus simple, plus ouverte, plus libre de notre foi. Le Pape en a parlé récemment lors d’un voyage apostolique.

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