« Être catholique, c’est être œcuménique ! » Et pourtant…

© Communauté du Chemin Neuf

Rencontre avec Miguel Desjardins, directeur du Service national pour l’unité des chrétiens.

Le père Miguel Desjardins, qui a grandi en Grande-Bretagne, est membre de la Communauté du Chemin Neuf. Avant de devenir directeur du Service national pour l’unité des chrétiens, en septembre 2021, il était en mission dans une maison d’accueil, de retraites spirituelles et de formation chrétienne dans la ville de Storrington (Angleterre), ouverte à des chrétiens de toutes confessions. Une mission précédente l’a conduit en Russie où il a rencontré le monde orthodoxe.

Il est vivant ! Le Nouveau Testament raconte que dès les débuts de l’Église, il y avait des divisions entre les disciples du Christ. Y a-t-il eu jamais une véritable unité entre chrétiens ?
Miguel Desjardins Que les hommes ne soient pas tout de suite d’accord entre eux, c’est plutôt normal. Qu’ils en parlent entre eux et que cela soit raconté dans le Nouveau Testament, c’est pour moi le signe d’une Église en bonne santé : elle évoque les questions, prie, jeûne, cherche la volonté du Seigneur, se structure de telle sorte qu’une issue soit possible pour continuer à faire avancer l’avènement du Royaume.

En quoi consiste cette unité des chrétiens ?
– La quête de l’unité est inscrite dans la nature même de l’Église.
« Que tous soient un », dit le Christ à ses disciples (Jean 17). D’emblée, il associe ce désir d’unité à l’appel à la mission : « Pour que le monde croie. » Ce n’est donc jamais l’un sans l’autre.
Le concile Vatican II a insisté sur le fait que la division entre les communautés chrétiennes « s’oppose directement à la volonté du Christ. Elle est pour le monde un objet de scandale et fait obstacle à la plus sainte des causes : la prédication de l’Évangile à toute créature » (Unitatis Redintegratio, 1). Œuvrer pour l’unité est donc au cœur de notre identité.
En 1995, dans l’encyclique Ut Unum Sint, le pape saint Jean Paul II explique à quel point l’Église catholique est engagée sur un chemin « irréversible » (N° 3). Il précise : « La recherche de l’unité des chrétiens n’est pas un acte facultatif ou d’opportunité, mais une exigence qui découle de l’être même de la communauté chrétienne » (UUS, 49).

– Il y a des degrés dans l’unité.
Et ce n’est pas parce que tout le monde n’est pas d’accord sur tout, que l’unité n’existe pas ! Nous vivons déjà une communion réelle, bien qu’imparfaite avec nos frères et sœurs chrétiens d’autres Églises (voir encadré). Car tous ceux qui sont baptisés sont vraiment frères et sœurs dans le Christ, nous rappelle Vatican II et Ut Unum Sint. Par le baptême, toutes ces personnes sont incorporées au Christ et sont, donc, nos frères et sœurs, malgré les aléas des siècles d’histoire où les chrétiens se sont entredéchirés, souvent pour des raisons politiques.
– Le souci de l’unité des chrétiens incombe à tous les baptisés et concerne l’Église tout entière, aussi bien dans la vie quotidienne de chacun que dans les recherches théologiques.
Chaque fidèle est appelé à s’engager dans ce dialogue avec les chrétiens d’autres confessions, en parallèle du dialogue officiel entre les Églises. Une vraie responsabilité du dialogue œcuménique incombe donc aux Églises locales.
Concrètement, chacun de nous est invité à se demander : quel moyen est-ce que je peux prendre pour avancer en ce sens, avec la grâce de Dieu, à travers telle formation, telle lecture, telle démarche de prière avec d’autres chrétiens, telle lecture biblique ensemble ? Partageons notre vie de foi, prions avec et pour nos frères et sœurs des autres Églises et rendons par nos actes un témoignage commun pour grandir dans cette unité que le Seigneur désire pour son Église.

Le pape François nous trace le chemin : « Marcher, prier, travailler ensemble » (Discours au conseil œcuménique des Églises, Genève, 21 juin 2018)

Et c’est l’évêque qui est le principe visible de l’unité, une unité qu’il est appelé à vivre en collaboration avec les responsables des autres Églises, comme le rappelle le Directoire pour le ministère pastoral des évêques, (Apostolorum Successores, 2004). Ce texte qui s’adresse aux évêques ne leur est pas réservé. Nous pouvons nous demander par exemple : quand est-ce que j’ai prié pour la dernière fois pour l’unité des chrétiens ?

[…]

Dans la plupart des paroisses, on constate qu’il ne se passe grand-chose dans ce domaine. Comment faire évoluer les mentalités ?

En favorisant une attitude œcuménique dans tout ce que l’on fait en Église. Pour y parvenir il est primordial que l’œcuménisme soit présent dans la formation de tout chrétien, laïc ou clerc. L’Église catholique elle-même demande officiellement que dans les séminaires, les universités catholiques, il y ait un cours obligatoire sur l’œcuménisme, et que la dimension œcuménique soit également intégrée dans tous les autres domaines de la formation. Par exemple toute catéchèse doit prévoir d’expliquer, dans la vérité et la charité, les raisons d’être du chemin œcuménique que nous parcourons ensemble.
L’Église nous demande de faire l’effort de présenter cette dimension œcuménique dans toute formation sur la liturgie, la théologie fondamentale, l’étude de la Bible, la vie pastorale, etc.

Car être catholique, c’est être œcuménique ! Mais le chemin est encore long.

Cette question de la formation est vitale pour que, dans le parcours de tout chrétien,
catholique notamment, l’œcuménisme soit compris comme une richesse et non comme une faiblesse, pour nous faire avancer vers l’unité de l’Église à laquelle le Christ lui-même l’appelle.
En décembre 2020, le Conseil pontifical pour l’unité des chrétiens a adressé aux évêques du monde entier le vademecum L’évêque et l’unité des chrétiens, approuvé explicitement par le pape François.
Ce document vise à favoriser l’œcuménisme notamment par la
formation et la sensibilisation des catholiques, mais aussi dans les liens de l’Église catholique avec les autres Églises et enfin dans la manière qu’a l’Église catholique à tous les niveaux, de communiquer sur Internet et les réseaux sociaux.
On peut considérer qu’en réalité, ce document s’adresse à tous.

[…]

Comment avancer sans cesse vers cette unité ?
Imaginons trois cercles représentant le premier les orthodoxes, le second les protestants et le troisième les catholiques. Ces trois cercles avancent ensemble vers le Christ. Le seul fait de cheminer ensemble vers le Christ nous rapproche naturellement les uns des autres. En même temps, ce mouvement de convergence nous invite à accepter certains déplacements.
Il y a en réalité une multitude de chemins possibles pour vivre l’œcuménisme. À la Communauté de Taizé, par exemple, les frères vivent un œcuménisme spirituel, entre eux et avec les personnes qu’ils accueillent. Quand tous prient ensemble, nul ne peut savoir à quelle confession telle ou telle personne appartient. Depuis sa fondation, Taizé est un pôle prophétique lumineux : apprendre d’abord à être à genoux ensemble devant le Seigneur.
Dans certaines communautés, comme le Chemin Neuf, nous sommes clairs sur nos différences ; en même temps, nous cherchons à faire ensemble tout ce que nos Églises nous permettent de vivre ensemble. Cette approche s’inspire de ce que l’on appelle le principe de Lund (Suède), mis au point en 1952 par le Conseil œcuménique des Églises. Il consiste à faire ensemble, entre chrétiens, tout ce qu’il nous est possible de faire ensemble.
J’encourage chacun à demander à l’Esprit Saint d’être éclairé sur le pas à faire en faveur de l’unité afin de réaliser le vœu de Jésus lui-même de voir ses enfants unis en vue d’une annonce plus convaincante de la Bonne Nouvelle.

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