Unité des chrétiens : zoom sur… le Forum chrétien mondial

Du 31 août au 8 septembre 2022, à Karlsruhe, Allemagne, s’est déroulée la 11e Assemblée du Conseil œcuménique des Églises sur le thème « L’amour du Christ mène le monde à la réconciliation et à l’unité.
Anne-Cathy Graber, pasteure, nous explique ce qu’est le Forum chrétien mondial, une instance qui émane de ce Conseil œcuménique des Églises et joue un rôle très actif sur le terrain de l’unité des chrétiens.
Célibataire consacrée au sein de la Communauté du Chemin Neuf, elle est co-titulaire de la chaire de théologie œcuménique (Facultés jésuites de Paris-Centre Sèvres), membre du comité exécutif du Forum Chrétien Mondial et membre du Groupe des Dombes et de la commission Foi et Constitution (COE).
(article publié uniquement en version numérique)

Les commencements (1998)

Le Forum Chrétien Mondial (FCM) est né en 1998 sur l’impulsion du Conseil Œcuménique des Églises (COE). Une constatation est à l’origine de ce mouvement : nombre d’Eglises évangéliques libres, pentecôtistes, indépendantes, Eglises de la sanctification ou encore Eglises d’institution africaine ne sont pas concrètement présentes dans le dialogue œcuménique. Certes les Eglises dites « historiques » sont à présent familières (ou presque !) du travail œcuménique, mais n’est-il pas urgent et nécessaire que la « table œcuménique » s’ouvre à d’autres partenaires ? Comment susciter et rendre possible de telles rencontres alors que, le plus souvent, ce type de liens en vue de dialogues n’est pas réellement souhaité par ces Eglises le plus souvent de type charismatique ?

Plusieurs membres du Conseil Œcuménique des Eglises, dont le secrétaire général d’alors, Konrad Raiser, ont pris cette constatation très au sérieux et encouragé la fondation du FCM. L’objectif était de créer une instance qui puisse être la plus souple et ouverte possible : un « forum » de partage, d’écoute et de prière constitué pour moitié de représentants ou membres d’Eglises dites « historiques » et pour l’autre moitié d’Eglises plus récentes (charismatiques, mega-churches, pentecôtistes,….). La Déclaration directrice du Forum décrit les objectifs de la manière suivante : « Créer un espace ouvert où les représentants d’un grand éventail d’Eglises et organisations chrétiennes, qui confessent le Dieu trinitaire et Jésus-Christ parfait Dieu et parfait homme, peuvent se rassembler pour promouvoir le respect mutuel, pour examiner et aborder ensemble les défis communs »[1].

La méthodologie du « pèlerinage de foi »

Pour ce faire, il importe de comprendre que l’idée de « Forum » signifie créer un cadre ou un environnement qui soit « sécurisé » et « sécurisant » en particulier par l’assurance qu’aucune tradition ecclésiale ne sera déconsidérée, menacée, ou agressée par une autre. Cette confiance possible est primordiale pour créer un climat d’écoute des uns et des autres, écoute qui est le ciment de nos rencontres. Mais peut-on susciter la confiance mutuelle ? Il est difficile de répondre trop rapidement à cette question ! Cela étant, une « méthodologie » typique du FCM s’est mise en place et, depuis 1998, a fait ses preuves. Il ne s’agit pas d’une manière de faire très « académique » (il y a d’autres lieux pour cela) : en effet, chaque rencontre du FCM commence par un partage personnel de ce qui est appelé le « pèlerinage de foi de chacun et chacune » (« Pilgrimage of Faith »). Il ne s’agit pas de parler de nos stratégies, de nos chiffres, de débats concernant nos choix théologiques. Ce dernier point est essentiel bien sûr, mais il est préférable qu’il se fasse sur le socle de notre expérience personnelle de foi en Christ. Ainsi, les uns et les autres commencent par partager les étapes décisives de leur vie où ils ont discerné la présence du Christ et de sa Parole, et la réponse personnelle donnée à cette rencontre.

Conséquences de cette méthodologie

Les conséquences de cette « méthodologie » du Forum sont multiples : tout d’abord, la dynamique des rencontres est le fruit des participants eux-mêmes et non pas des organisateurs. Autrement dit, le Forum est ce que les participants veulent bien qu’il soit ! Nous sommes donc tous à égalité de responsabilité. Ensuite, il est évident qu’en partageant de la sorte, tous à égalité devant Dieu, évêques, pasteurs, responsables de grandes fédérations ou unions d’Eglises, ou simple participant : les échanges peuvent alors devenir un peu moins « formels ». Enfin, et ce point est le plus important, nous entrons dans une reconnaissance réciproque. Reconnaissance dans les deux sens du terme : c’est-à-dire action de grâce devant les merveilles que Dieu a accomplis dans la vie de l’autre ou des autres (comme à Pentecôte en Actes 2, 11), mais aussi reconnaissance de l’autre comme vrai disciple du Christ, même si sa tradition ecclésiale est éloignée de la mienne. Or, l’on sait combien la reconnaissance réciproque est un enjeu œcuménique délicat et douloureux !

Une autre conséquence de cette reconnaissance conduit à un passage important : celui du pèlerinage de foi de type personnel à un pèlerinage de type ecclésial ou communautaire. Comment l’Eglise à laquelle j’appartiens s’est-elle laissée conduire par le Christ ? Comment a-t-elle répondu à Ses appels ? Il n’est pas rare que cette étape nous fasse entrer réciproquement dans une démarche de repentance : « Nous avons pu reconnaître et nous repentir de nos échecs passés à nous supporter les uns les autres dans l’amour. Nous reconnaissons que nous avons souvent laissé nos préjugés déterminer notre compréhension des différentes traditions chrétiennes. Nous accueillons l’occasion, en tant qu’enfants adoptifs de Dieu, de nous rencontrer pour explorer ensemble le pardon et la rédemption que nous expérimentons en Christ. »[2]

Rassemblements

Le Forum Chrétien s’est réuni à Lyon en 2018.

Il n’est pas nécessaire d’envisager ces rencontres à un niveau mondial (celles-ci n’ont lieu que tous les cinq ou six ans). Depuis 1998, de nombreuses réunions régionales et de visites ont eu lieu (en Afrique, Asie, Amérique latine, du Nord, Europe, au Moyen Orient). En fait, le plus important est de vivre cela au niveau local : ainsi ce type de rassemblement a eu lieu juste avant la pandémie en France à Lyon, ensuite en Seine St Denys, puis en Suisse à Leysin. Il est à noter que la dimension visible de la réconciliation possible de nos Eglises est présente dans ces rassemblements (cf. « …pour que le monde croie… », Jn 17,21) : à Lyon comme à Leysin eurent lieu des moments de rencontres dans les rues de la ville, dans les cafés, sur les places,…

C’est bien « ici et maintenant » qu’il importe d’entrer dans ce changement de relations ecclésiales en se reconnaissant les uns et les autres comme vrais disciples du Christ.

[1] https://globalchristianforum.org/fr/

[2] [2] https://globalchristianforum.org/fr/

 

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