Paradoxe : la douceur, force du chrétien

La châsse de saint François de Sales.

A la suite à la crise de ses 19 ans, François de Sales découvre l’amour de Dieu et sa miséricorde. À son époque, les prédicateurs insistaient plutôt sur la justice de Dieu, sa colère devant le péché, ses punitions pour les pécheurs. On essayait de convertir par la peur de la punition.
François de Sales prend le contrepied de cette pédagogie : il parle de la bonté, de la miséricorde et de l’amour de Dieu. Il propose une relation avec Dieu fondée sur la confiance et non sur la peur. Il proclame un Dieu d’amour et non pas un Dieu vengeur ; un Dieu de miséricorde qui pardonne et pas un Dieu qui cherche à punir.
Il fonde la vie spirituelle sur l’amour : l’amour est le chemin pour devenir saint et l’amour en est aussi le but. On devient saint en aimant et la sainteté, c’est d’aimer.
François de Sales illustre bien un point connu de la pédagogie : on obtient plus par attraction et conviction que par la peur.
Dans sa postérité spirituelle, on trouve par exemple une Thérèse de Lisieux qui découvre la miséricorde et se donne à elle.
François de Sales a ouvert un chemin nouveau pour la vie spirituelle, qui peut rejoindre nos contemporains : vivre
dans l’amour.

La douceur envers nous-même et envers les autres
Saint François de Sales est le saint de la douceur. Il incarne la béatitude « Heureux les doux, ils posséderont la terre » (Mt 5, 4).
Il ne faut pas croire que cette douceur était naturelle pour lui. Elle est le fruit d’un grand travail sur lui-même, de gros efforts pour se corriger, se convertir.
Dans Introduction à la vie dévote, François de Sales dresse le portrait de l’homme doux, et on peut reconnaître son propre portrait ou, en tout cas, ce qu’il a essayé de vivre toute sa vie :
« Celui qui est doux, n’offense personne, supporte et endure volontiers ceux qui lui font du mal, enfin souffre patiemment les coups et ne rend pas le mal pour le mal. Le doux ne se trouble jamais, mais détrempe toutes ces paroles dans l’humilité, vainquant le mal par le bien. »

La douceur envers soi-même

Dans sa correspondance, il livre son secret pour devenir doux. Selon lui, la douceur passe par l’acceptation :
– de notre état de pécheur : « Nous voudrions bien être sans imperfections ; mais ma très chère fille, il faut avoir patience d’être de la nature humaine et non de l’angélique. »
– de notre état de vie : « Il faut aimer ce que Dieu aime : or, il aime notre vocation ; aimons-la bien aussi, et ne nous amusons pas à penser à celle des autres. Faisons notre besogne ; à chacun sa croix n’est pas de trop. »
Cette citation montre que notre bonne volonté est déjà prise comme réalité par le Seigneur : – Je vous dis que vous serez fidèle si vous êtes humble. – Mais serai-je humble ? – Oui, si vous le voulez. – Mais je le veux. – Vous l’êtes donc. – Mais je sens bien que je ne le suis pas. – Tant mieux, car cela sert à l’être plus assurément.

La douceur à l’égard des autres

Saint François de Sales avait une vision optimiste de l’homme. Il admirait sa capacité à faire le bien dans un monde où les prédicateurs soulignaient surtout son état de pécheur.
Sa douceur avec ceux qu’on appelait alors « les hérétiques » lui a valu beaucoup de critiques de la part des catholiques bien-pensants de son époque. On lui disait qu’il aurait des problèmes avec Dieu à son arrivée au ciel.
« Ah ! disait-il, il vaut mieux avoir à rendre compte de trop de douceur que de trop de sévérité. Dieu n’est-il pas tout amour ? Dieu le père est le père des miséricordes ; Dieu le fils se nomme un agneau, Dieu le Saint-Esprit se montre sous la forme d’une colombe, qui est la douceur même. S’il y avait quelque chose de meilleur que la bénignité, Jésus Christ nous l’aurait dit, et cependant il ne nous donne que deux leçons à apprendre de lui : la douceur et l’humilité de cœur. Voulez-vous donc m’empêcher d’apprendre la leçon que Dieu m’a donnée, êtes-vous plus savant que Dieu ? »

Tout au long de l’histoire de l’Église, des mouvements ont “raidi” des positions théologiques ou pastorales. En même temps que François de Sales, est né par exemple le jansénisme qui est aux antipodes de sa spiritualité de douceur et de miséricorde. Aujourd’hui encore, certains tombent dans le piège de la radicalisation de leurs positions. Ils auraient tout intérêt, comme chacun de nous, à s’inspirer de l’évêque de Genève pour imiter le Christ qui a dit de lui-même : « Je suis doux et humble de cœur. »

« On n’attrape pas des mouches avec du vinaigre »
La vertu de douceur a également une conséquence sur l’évangélisation. Selon François de Sales, la clé de l’évangélisation, c’est l’amour. Aimons les personnes que nous voulons évangéliser. C’est ce qu’il a lui-même cherché à vivre avec les calvinistes et les huguenots auxquels il s’adressait. Il avait de l’admiration pour la grande qualité de leur vie morale et spirituelle. Ces chrétiens étaient habités par une vraie honnêteté, ils prenaient les commandements divins au sérieux. François de Sales admirait leur sens du divin et leur respect vis-à-vis de Dieu et il aurait aimé que tous les catholiques les imitent dans ces domaines.

Homme de dialogue, il respectait infiniment ceux dont il ne partageait pas les points de vue. Quand il s’engageait dans des conversations ou des controverses, il disait à ses interlocuteurs : « Vous ne verrez jamais quelqu’un qui soit un homme plus affectionné à votre service spirituel que je le suis. »

On attribue cette sentence à François de Sales : « On n’attrape pas des mouches avec du vinaigre. » Si elle n’est pas de lui, elle résume bien sa méthode apostolique qui reste valable plus que jamais pour nous aujourd’hui : annonçons l’amour de Dieu dans la douceur et l’amour comme l’a fait le saint évêque de Genève, digne disciple de Jésus, doux et humble de cœur.

Par Jean-Luc Moens

Pour recevoir le magazine Il est vivant ! 4 fois par an, c’est par ici => https://www.ilestvivant.com/abonnement/

Abonnez-vous à Il est vivant !