Un synode, pourquoi ?

Le pape, les cardinaux, les évêques, le peuple de Dieu.

Dès 2015, dans son discours pour les 50 ans du Synode des évêques, le pape François indiquait clairement, dans la continuité de ses prédécesseurs, sur quel chemin devait s’engager l’Église pour devenir plus “synodale”. Un discours marquant. Extraits.

Béatitudes, Éminences, Excellences, Frères et Sœurs,
[…] Commémorer le cinquantenaire anniversaire de l’institution du Synode des évêques est pour nous tous un motif de joie, de louange et d’action de grâce au Seigneur. Depuis le concile Vatican II jusqu’à l’actuelle assemblée, nous avons expérimenté de manière toujours plus intense la nécessité et la beauté de « cheminer ensemble ».
[…] Le monde dans lequel nous vivons, et que nous sommes appelés à aimer et à servir même dans ses contradictions, exige de l’Église le renforcement des synergies dans tous les domaines de sa mission. Le chemin de la synodalité est justement celui que Dieu attend de l’Église du troisième millénaire.

« Discerner les nouvelles routes »
Ce que le Seigneur nous demande, en un certain sens, est déjà pleinement contenu dans le mot synode. Marcher ensemble – laïcs, pasteurs, évêque de Rome – est un concept facile à exprimer en paroles, mais pas si facile à mettre en pratique.
Après avoir réaffirmé que le peuple de Dieu est constitué de tous les baptisés appelés à « être une demeure spirituelle et un sacerdoce saint », le concile Vatican II proclame que « la collectivité des fidèles, ayant l’onction qui vient du Saint (cf. 1 Jn 2, 20.27), ne peut se tromper dans la foi ; ce don particulier qu’elle possède, elle le manifeste moyennant le sens surnaturel de foi qui est celui du peuple tout entier, lorsque, “des évêques jusqu’aux derniers des fidèles laïcs”, elle apporte aux vérités concernant la foi et les mœurs un consentement universel ». Ce fameux infaillible in credendo.
Dans l’Exhortation apostolique Evangelii gaudium, j’ai souligné que « le peuple de Dieu est saint à cause de cette onction qui le rend infaillible “in credendo” », ajoutant que « chaque baptisé, quels que soient sa fonction dans l’Église et le niveau d’instruction de sa foi, est un sujet actif de l’évangélisation, et il serait inadéquat de penser à un schéma d’évangélisation utilisé pour des acteurs qualifiés, où le reste du peuple fidèle serait seulement destiné à bénéficier de leurs actions ». Le sensus fidei empêche une séparation rigide entre Ecclesia docens et Ecclesia discens, puisque le troupeau possède aussi son propre “flair” pour discerner les nouvelles routes que le Seigneur ouvre à l’Église.

Une Église de l’écoute
C’est cette conviction qui m’a guidé lorsque j’ai souhaité que le peuple de Dieu soit consulté dans la préparation du double rendez-vous synodal concernant la famille, comme cela se fait et s’est fait d’habitude par tous les Lineamenta. Il est certain qu’une consultation de ce genre ne pourrait, en aucune façon, suffire pour écouter le sensus fidei. Mais comment aurait-il été possible de parler de la famille sans interpeller les familles, en écoutant leurs joies et leurs espérances, leurs douleurs et leurs angoisses ? Par les réponses aux deux questionnaires envoyés aux Églises particulières, nous avons eu la possibilité d’écouter au moins quelques-unes d’entre elles concernant les questions qui les touchent de près et sur lesquelles elles ont tant à dire.

[…] Le chemin synodal commence en écoutant le peuple qui « participe aussi de la fonction prophétique du Christ » selon un principe cher à l’Église du premier millénaire (Quod omnes tangit ab omnibus tractari debet : « Ce qui touche tout le monde doit être discuté par tous. »).
Le chemin du synode continue en écoutant les pasteurs. À travers les pères synodaux, les évêques agissent comme d’authentiques gardiens, interprètes et témoins de la foi de toute l’Église, qui doivent savoir discerner avec attention parmi les mouvements souvent changeants de l’opinion publique. À la veille du Synode de l’an dernier, je disais : « Nous demandons tout d’abord à l’Esprit Saint pour les pères synodaux, le don de l’écoute : écoute de Dieu jusqu’à entendre avec Lui le cri du peuple ; écoute du peuple jusqu’à y respirer la volonté à laquelle Dieu nous appelle. »
Enfin, le chemin synodal culmine dans l’écoute de l’évêque de Rome, appelé à se prononcer comme « pasteur et docteur de tous les chrétiens », non à partir de ses convictions personnelles, mais comme témoin suprême de la fides totius Ecclesiae, « garant de l’obéissance et de la conformité de l’Église à la volonté de Dieu, à l’Évangile du Christ et à la Tradition de l’Église ».

« L’unique pouvoir est le pouvoir de la croix »
[…] La synodalité, comme dimension constitutive de l’Église, nous offre le cadre d’interprétation le plus adapté pour comprendre le ministère hiérarchique lui-même. […] Ne l’oublions jamais ! Pour les disciples de Jésus, hier, aujourd’hui et toujours, l’unique autorité est l’autorité du service, l’unique pouvoir est le pouvoir de la croix, selon les paroles du Maître : « Vous le savez : les chefs des nations les commandent en maîtres, et les grands font sentir leur pouvoir. Parmi vous il ne devra pas en être ainsi : celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur ; et celui qui veut parmi vous être le premier sera votre esclave » (Mt 20, 25-27). Parmi vous il ne devra pas en être ainsi : dans cette expression nous rejoignons le cœur même du mystère de l’Église – « Parmi vous il ne devra pas en être ainsi » – et nous recevons la lumière nécessaire pour comprendre le service hiérarchique.

Accroître la collégialité
Dans une Église synodale, le Synode des évêques est seulement la manifestation la plus évidente d’un dynamisme de communion qui inspire toutes les décisions ecclésiales.
Le premier niveau d’exercice de la synodalité se réalise dans les Églises particulières. […] Une Église synodale peut commencer à prendre forme seulement dans la mesure où ces organismes partent des gens, des problèmes de chaque jour : de tels instruments qui, parfois, font preuve de lassitude, doivent être valorisés comme une occasion d’écoute et de partage.

[…] Dans une Église synodale, comme j’ai déjà affirmé, « il n’est pas opportun que le pape remplace les épiscopats locaux dans le discernement de toutes les problématiques qui se présentent sur leurs territoires. En ce sens, je sens la nécessité de progresser dans une “décentralisation” salutaire ».
[…]

Une nouvelle forme d’exercice de la papauté
[…] Je suis persuadé que, dans une Église synodale, même l’exercice du primat pétrinien pourra recevoir une plus grande lumière. Le pape ne se trouve pas, tout seul, au-dessus de l’Église, mais en elle comme baptisé parmi les baptisés et dans le collège épiscopal comme évêque parmi les évêques, appelé en même temps – comme successeur de l’apôtre Pierre – à guider l’Église de Rome qui préside dans l’amour toutes les Églises.
Tandis que je rappelle la nécessité et l’urgence de penser à « une conversion de la papauté », je répète volontiers les paroles de mon prédécesseur le pape Jean Paul II : « L’évêque de Rome sait bien […] que le désir ardent du Christ est la communion pleine et visible de toutes les communautés dans lesquelles habite son Esprit en vertu de la fidélité à Dieu. Je suis convaincu d’avoir à cet égard une responsabilité particulière, surtout lorsque je vois l’aspiration œcuménique de la majeure partie des communautés chrétiennes et que j’écoute la requête adressée de trouver une forme d’exercice de la primauté ouverte à une situation nouvelle, mais sans renoncement aucun à l’essentiel de sa mission. »

Élargir son regard à toute l’humanité
Notre regard s’élargit aussi à l’humanité. Une Église synodale est comme un étendard levé parmi les nations (cf. Is 11, 12) d’une façon qui – même en invoquant la participation, la solidarité et la transparence dans l’administration des affaires publiques – remet souvent le destin de populations entières entre les mains avides de groupes restreints de pouvoir.
Comme l’Église qui “marche au milieu” des hommes, participe aux tourments de l’histoire, cultivons le rêve que la redécouverte de la dignité inviolable des peuples et de la fonction du service de l’autorité puissent aider aussi la société civile à se construire dans la justice et dans la fraternité, générant un monde plus beau et plus digne de l’homme pour les générations qui viendront après nous. Merci.

(Discours du pape François pour les 50 ans du Synode des évêques)

Se procurer ce numéro sur www.librairie-emmanuel.fr

Abonnez-vous à Il est vivant !